Genre :
Théâtre
Auteur :
Tankred Dorst
en collaboration avec Ursula Ehler
Traduction :
Hélène Dorst
René Zahnd
Adaptation :
Version scénique de Jorge Lavelli
Dates et horaires :
Mardi 14, mercredi 15, jeudi 16 juin 2005 à 21h
Lieu :
Grand théâtre romain
Production :
Les Nuits de Fourvière/ Département du Rhône
Le Méchant Théâtre
MC93 Bobigny
et avec la participation du Jeune Théâtre National.
Institution ou compagnie :
Le Méchant Théâtre
Création mondiale ou française :
Création française
Mise en scène :
Jorge Lavelli
Collaboration à la mise en scène :
Dominique Poulange
Décors :
Charlotte Villermet
Costumes :
Francesco Zitto
Lumières :
Roberto Trafferi
Musique de scène :
Zygmunt Krauze
Commentaires :
Voilà que Merlin a chassé Prométhée, les Bacchantes et la Galigo, les héros des saisons passées. L’enchanteur de nos livres d’enfants règne maintenant sur Fourvière où il conduira bientôt les songes de nos nuits d’été.
Un jour le diable vint sur terre pour y engrosser une pucelle. En scène, elle accouche d’un être velu, avec des lunettes et toutes ses dents, doué de la parole, de la double vue et du pouvoir de métamorphose. On le baptise Merlin, sa mission est de guider les humains sur le chemin du mal. C’est l’artiste, le créateur et le metteur en scène de cette épopée chevaleresque. Vous le verrez désobéir à son père, imaginer une société équitable et pacifique, inventer une table ronde pour le Roi Artus, enflammer les corps et les coeurs, protéger les amours adultères de la fidèle Guenièvre et du loyal Lancelot, surveiller le sauvage Perceval dans sa quête du Graal, désespérer de voir le cours des choses lui échapper et la discorde prendre l’avantage. Vous le verrez se transformer en paon, en caillou, en oiseau... et finir en buisson d’aubépine.
Passé l’an mil, quatre poètes, Geoffrey le Gallois, Robert le Normand, Chrétien le Champenois et Wolfram le Bavarois - chacun son tour, chacun à sa façon, chacun dans sa langue qui n’était pas encore vraiment ni l’anglais, ni le français, ni l’allemand -, s’inspirent du déjà lointain souvenir des exploits chevaleresques et des guerres de conquête qui, à l’aube du Moyen-Age, avaient opposé les tribus et les barons. Et, tous ensemble, ils élaborent la légende collective du Royaume d’Artus, de la Table ronde et la quête du Saint Graal.
Dans des dizaines de milliers de vers, ils offrent à la société médiévale un portrait d’elle-même à la poursuite d’un rêve : la recherche d’un ordre féodal utopique. L’espoir chimérique du Haut Moyen-Age, c’est de soumettre l’envie de meurtre aux lois de la chevalerie, c’est de racheter la passion charnelle par l’ascèse sublime de l’amour courtois et c’est enfin de contenir tant bien que mal les forces archaïques dans la forêt primitive par le pouvoir mystique du sang du Christ.
Depuis ce temps, chaque époque aime à s’égarer dans ces fourrés légendaires. Poètes et peintres, musiciens et cinéastes nourrissent leur imagination avec cette « matière de Bretagne » et maintiennent vivante la geste du Roi Artus. En 1980, l’allemand Tankred Dorst nous en fait la lecture pour notre fin de siècle. Gamin, il a connu le rêve dément du national-socialisme et vécu dans les décombres de l’Empire de Mille Ans. Homme mûr, il a observé, partagé peut-être le fol espoir de la jeunesse européenne, assisté à l’enlisement du rêve égalitaire socialiste, vu disparaître de la pensée occidentale l’indispensable pouvoir de contradiction. Raconter une fois encore les aventures du Roi Artus, des chevaliers de la Table ronde et de leurs Dames d’amour, c’est le moyen plaisant de parler de l’échec de l’utopie, de montrer l’enchevêtrement du bien et du mal, de démêler les liens entre l’état sauvage et le contrat social, entre l’allégresse et la folie d’amour. Et il a si bien su le faire que son Merlin a connu plus de soixante mises en scène, du Brésil à la Californie, de la Russie au Cameroun...
Parmi la centaine de spectacles que Jorge Lavelli a offerte au public en quarante années de théâtre, il suffit de citer quatre titres pour dire ce qui l’a aussitôt séduit dans l’épopée chevaleresque de Tankred Dorst et convaincu d’en donner aux Nuits de Fourvière la première version en langue française : c’est que Merlin ou La terre vaine est à sa façon une Comédie barbare, un Concile d’amour et un Triomphe de la sensibilité. Et que Merlin en cette fin de siècle renoue avec le poème majeur du Siècle d’or espagnol :
La vie est un songe.